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Une crise sanitaire aux conséquences inégales sur les finances locales

La Cour des comptes publie les deux derniers volets de son rapport annuel sur les finances publiques locales en 2020.

par Jean-Marc Pastorle 16 décembre 2020

Dans son premier fascicule, publié en juillet, la Cour des comptes estimait que les collectivités locales abordaient la crise sanitaire en meilleure situation financière que l’État (v. Dalloz actualité, 8 juill. 2020, obs. J.-M. Pastor). Le deuxième fascicule, qui porte sur les impacts immédiats de la crise, conclut à une incidence très inégale selon les catégories de collectivités et les disparités vont s’accroître. Toutes connaîtront une érosion d’épargne mais elle sera plus prononcée pour certaines collectivités du bloc communal, ainsi que pour les départements, en fonction de leur dépendance aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de la hausse potentielle de leurs dépenses sociales.

Certaines communes, notamment touristiques, sont particulièrement exposées à l’effondrement de recettes particulières comme la taxe de séjour ou celles tirées de la présence d’un casino. Les collectivités assumant des charges de centralité importantes sont confrontées aux pertes de recettes liées à l’arrêt des équipements culturels, sportifs ou de loisir.

Départements fragiles, régions solides

Les fragilités financières des départements devraient également s’accentuer.

Sollicités au même titre que les autres collectivités dès le premier semestre par la mise en place de mesures d’urgence, leurs dépenses sociales ont augmenté, que ce soit au titre d’allocations individuelles de solidarité ou en appui aux établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant de leurs compétences. Dans le même temps, leurs recettes de fonctionnement devraient se contracter, en particulier les produits de DMTO. Les effets devraient cependant être limités en 2020 : certaines recettes, compte tenu de leurs modalités de versement, ne devraient se dégrader qu’à compter de 2021 (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, taxe d’aménagement), d’autres sont issues de transferts de compétences assortis d’un mécanisme de garantie de l’État, qui devrait voir ce dernier assumer la plus grande partie des pertes de recettes concernées (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).

Enfin, les recettes des régions devraient être affectées dans des proportions modérées, la perte la plus substantielle pourrait porter sur la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules. En revanche, elles sont intervenues de manière très large en soutien aux secteurs économiques les plus touchés, que ce soit à travers leur contribution au fonds national de solidarité, la création de fonds régionaux exceptionnels ou de divers dispositifs de soutien. Leur épargne brute devrait ainsi diminuer en 2020 et le maintien d’un haut niveau de dépenses en investissement devrait les conduire à un recours accru à l’endettement. L’accord de méthode État-régions du 30 juillet 2020 devrait toutefois renforcer structurellement leurs ressources dès 2021 et permettre d’accroître leur effort dans le cadre du plan de relance national.

L’échec de la mise en place des métropoles

Le troisième fascicule de la Cour des comptes sur les finances publiques locales 2020 examine la mise en œuvre des réformes successives concernant les métropoles. Qualifiée d’« expression la plus aboutie du mouvement d’affirmation de l’intercommunalité », la création des métropoles n’a pas encore eu les effets structurants escomptés en matière de mutualisation, de transferts de compétence et de rayonnement. La Cour a analysé vingt et une des vingt-deux métropoles existantes, la métropole du Grand Paris n’a pas été retenue en raison de son statut particulier. Les transferts de compétences devaient permettre à la métropole d’atteindre un degré d’intégration élevé permettant une rationalisation de l’action publique sur son territoire. Pourtant, selon la cour, leur création n’a pas apporté de modification substantielle au socle des compétences dont disposaient les communautés urbaines, à l’image de la métropole de Lyon, héritée de l’ex-communauté urbaine créée en 1969, qui n’a pas gagné en efficience.

Les métropoles tardent à monter en puissance, leur périmètre d’intervention reste flou. La mutualisation des services n’a pas progressé significativement avec le statut métropolitain au-delà de ce qui existait avant son adoption (Toulouse, Nice, Tours). La Cour des comptes n’est pas tendre avec la métropole Aix-Marseille-Provence. Son statut dérogatoire, en partie destiné à pallier l’absence persistante de consensus politique des élus locaux, a laissé subsister les six anciens établissements intercommunaux sous forme de « conseils de territoire » qui se sont vu déléguer d’emblée par la loi l’intégralité des compétences métropolitaines. De fait, ces échelons locaux sont restés des centres de décision et de pouvoir, alors qu’ils étaient censés, après une brève période transitoire, n’exercer qu’un rôle essentiellement consultatif. Ils consomment ainsi l’essentiel des crédits d’investissement de la nouvelle institution, au détriment des projets métropolitains qui, à ce stade, sont réduits à la portion congrue, faute de moyens et de consensus politique.

Paradoxalement, la mise en place des métropoles a réaffirmé le rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques publiques, confirmant l’idée selon laquelle la métropole reste un établissement intercommunal au service des communes, « bien en retrait des ambitions initialement affichées par la loi qui en a fixé le statut ».