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Convocation de l’avocat durant l’instruction : renonciation à se prévaloir d’une irrégularité

Il résulte des dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale que la renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation au débat pour la prolongation de la détention provisoire ne peut intervenir qu’au moment du débat contradictoire.

par Sébastien Fucinile 8 janvier 2020

Par un arrêt du 11 décembre 2019, la chambre criminelle a apporté une précision fort intéressante quant à la renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation de l’avocat à un interrogatoire ou au débat contradictoire en vue de la prolongation de la détention provisoire. Elle a affirmé qu’« il résulte des dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale que la renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation ne peut intervenir qu’au moment du débat contradictoire ». L’avocat d’une personne détenue avait été convoqué au débat pour la prolongation de la détention provisoire devant se tenir le 7 août 2019, la prolongation devant intervenir avant le 13 août. Deux jours avant le débat, l’avocat avait demandé le renvoi en raison de son indisponibilité, ce qui avait été refusé par le juge des libertés et de la détention en ce qu’il n’était plus dans les délais pour le convoquer valablement à une autre date avant le 13 août. L’avocat avait alors répondu par télécopie la veille du débat pour renoncer à se prévaloir de l’irrégularité, ce qui avait été laissé sans réponse par le juge, le débat ayant eu lieu à la date prévue. La Cour de cassation a ainsi relevé que « le juge des libertés et de la détention, qui avait apporté une réponse à la demande de renvoi présentée par l’avocat de M. X, n’était pas tenu de répondre à sa seconde demande, qui ne comportait pas d’élément nouveau ». Elle a ainsi rejeté le pourvoi dirigé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction ayant refusé de déclarer nulle l’ordonnance du juge prolongeant la détention provisoire.

L’article 114 du code de procédure pénale détermine les règles relatives à la convocation de l’avocat aux interrogatoires et aux confrontations et à l’accès au dossier de la procédure. Il prévoit notamment que l’avocat doit être convoqué cinq jours ouvrables avant l’interrogatoire. Cette disposition de l’article 114, alinéa 2, est applicable également au débat en vue de la prolongation de la détention provisoire, conformément aux articles 145-1 et 145-2 du code de procédure pénale. L’alinéa 1er de l’article 114 précise en outre que « les parties ne peuvent être entendues, interrogées ou confrontées, à moins qu’elles n’y renoncent expressément, qu’en présence de leurs avocats ou ces derniers dûment appelés ». Dès lors que l’avocat n’est pas valablement convoqué, la nullité de l’interrogatoire est encourue. C’est le cas notamment lorsque l’avocat n’a pas été convoqué au moins cinq jours ouvrables avant l’interrogatoire ou le débat, sauf si la tardiveté de la convocation est imputable au mis en examen, par exemple parce qu’il a déclaré un changement d’avocat quelques jours avant ou le jour même de l’interrogatoire ou du débat (Crim. 5 mars 2002, n° 01-88.715, Dalloz jurisprudence ; 26 févr. 2008, n° 07-88.451, Dalloz actualité, 20 mars 2008, obs. S. Lavric ; D. 2008. 854 ; AJ pénal 2008. 246, obs. M. H.-E. ). En l’espèce, l’avocat avait valablement été convoqué cinq jours ouvrables avant le débat mais il a fait savoir deux jours avant qu’il était retenu devant le tribunal correctionnel au moment où le débat était prévu. L’avocat avait ainsi été régulièrement convoqué, conformément à l’article 114, alinéa 2, du code de procédure pénale.

L’avocat conserve toutefois la possibilité de demander un report du débat, ce à quoi le juge doit répondre, en motivant, le cas échéant, sa décision de rejet, à défaut de quoi la nullité de l’ordonnance de prolongation de la détention provisoire est encourue (Crim. 12 déc. 2018, n° 18-85.154, AJ pénal 2019. 156, obs. J. Chapelle ). En effet, le respect des droits de la défense impose tout au moins au juge de motiver le refus de reporter le débat lorsque l’avocat fait état de son indisponibilité. En l’espèce, le juge des libertés et de la détention avait motivé le refus de renvoi à la suite de la première demande, en faisant état de l’impossibilité de convoquer l’avocat dans les délais prévus par l’article 114 avant le 13 août 2019, date à laquelle l’intéressé aurait été remis en liberté d’office à défaut d’ordonnance de prolongation. La chambre criminelle a estimé que cette réponse était suffisante et qu’en outre, il n’était pas nécessaire de répondre à la seconde demande identique, par laquelle l’avocat renonçait à se prévaloir de l’irrégularité qui aurait résulté du non-respect du délai de l’article 114. La motivation exigée de toute demande de renvoi est ainsi satisfaite pour la chambre criminelle, en précisant qu’il n’est pas exigé du juge de motiver le rejet d’une seconde demande, lorsque cette dernière n’apporte pas d’élément nouveau. La chambre criminelle a récemment affirmé que le défaut de motivation d’une demande de renvoi en raison de l’indisponibilité de l’avocat n’entraînait pas la nullité de l’ordonnance de prolongation lorsque l’intéressé a renoncé à la présence de son avocat au début du débat contradictoire (Crim. 24 janv. 2018, n° 17-86.317, Dalloz actualité, 20 févr. 2018, obs. L. Priou-Alibert).

L’élément nouveau que l’avocat entendait apporter tenait à la renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation qui aurait eu lieu dans un délai inférieur à cinq jours ouvrables. Mais, pour la Cour de cassation, cet élément n’est pas de nature à constituer un élément nouveau dès lors, précise-t-elle, qu’il n’est pas possible de renoncer de manière anticipée à se prévaloir de l’irrégularité résultant de la convocation ou de l’absence de l’avocat. Cette renonciation ne peut avoir lieu, pour la chambre criminelle, « qu’au moment du débat contradictoire ». Cela ne résulte pas des dispositions de l’article 114, qui exige seulement une renonciation « expresse » de la part de la partie concernée. L’article 172 prévoit de manière plus générale, s’agissant d’une renonciation a posteriori, que « la partie envers laquelle une formalité substantielle a été méconnue peut renoncer à s’en prévaloir et régulariser ainsi la procédure. Cette renonciation doit être expresse. Elle ne peut être donnée qu’en présence de l’avocat ou ce dernier dûment appelé ». S’agissant de la renonciation de l’article 114, qui peut avoir lieu par hypothèse hors la présence de l’avocat, la chambre criminelle a précisé qu’elle devait avoir lieu a priori, avant l’exécution de l’acte d’instruction (Crim. 9 avr. 1986, n° 86-90.503 ; 14 nov. 1994, n° 94-80.981, Dalloz jurisprudence). Mais à chaque fois, la renonciation a eu lieu par déclaration expresse de la partie devant le juge avant l’accomplissement de l’interrogatoire ou de la confrontation. La renonciation à l’assistance par un avocat ou au respect du délai de cinq jours ouvrables pour sa convocation ne peut donc s’opérer que le jour de la convocation par déclaration expresse adressée au juge. Cette position est de manière générale plus respectueuse des droits de la défense. Cependant, si le juge avait accédé à la demande de l’avocat et que la partie avait refusé de renoncer à l’irrégularité de la convocation, la nullité aurait pu être refusée : la partie aurait été sans intérêt à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation dès lors qu’elle aurait demandé tardivement le report du débat à une date empêchant une convocation dans les cinq jours ouvrables.