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De la bonne utilisation de la disproportion du cautionnement

Dans un arrêt rendu le 18 décembre 2024, la chambre commerciale précise que l’ancien article L. 341-4 du code de la consommation s’oppose à ce que la caution puisse invoquer la disproportion du cautionnement à titre d’action et avant d’être appelée au paiement. Elle rappelle, en outre, quelques constantes plus connues sur la violation du devoir de mise en garde consécutif à un tel cautionnement disproportionné.

La disproportion du cautionnement est à l’origine d’un certain nombre de décisions publiées au Bulletin chaque année tant sur sa caractérisation que sur ses effets (v. par ex., en 2024, Com. 9 oct. 2024, n° 23-15.346 F-B, Dalloz actualité, 15 oct. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 1772 ; 4 avr. 2024, n° 22-21.880 F-B, Dalloz actualité, 3 mai 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 676 ; ibid. 1793, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; RCJPP 2024, n° 03, p. 61, chron. S. Piédelièvre et O. Salati ; 13 mars 2024, n° 22-19.900 F-B, Dalloz actualité, 22 mars 2024, obs C. Hélaine ; D. 2024. 540 ; en 2023, Com. 30 août 2023, n° 21-20.222 F-B, Dalloz actualité, 3 oct. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 96 , note J. de Dinechin ; ibid. 2023. 1765, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; ibid. 2024. 570, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; 21 juin 2023, n° 21-24.691 F-B, Dalloz actualité, 27 juin 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1220 ; ibid. 1765, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; 5 avr. 2023, n° 21-18.531 et n° 21-14.166 FS-B, Dalloz actualité, 14 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 991 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1282, obs. A. Leborgne et J.-D. Pellier ; ibid. 1765, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ).

Tous les arrêts de ces derniers mois n’ont, toutefois, pas le degré de nouveauté et d’originalité de la décision publiée le 18 décembre 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Celle-ci permet d’apporter un éclairage inédit sur l’impossibilité pour la caution d’invoquer à titre d’action la disproportion avant d’être appelée à régler la dette par son créancier. Sur ce point, il reste difficile, comme nous le verrons, d’en évaluer la portée pour les cautionnements conclus après le 1er janvier 2022 sous l’empire du nouvel article 2300 du code civil. La décision étudiée opère également des rappels de constantes connues de la matière s’agissant des actions en responsabilité pour violation du devoir de mise en garde de l’établissement bancaire créancier.

Les faits à l’origine du pourvoi nécessitent que l’on prête une attention particulière, d’une part, aux dates des opérations souscrites – car un problème de prescription nourrit les débats – mais également, d’autre part, au montant de la garantie personnelle en raison d’une difficulté sur la condamnation prononcée en appel.

Le 29 juin 2009, un prêt de 100 000 € est conclu entre un établissement bancaire et une société. Une personne physique s’engage en qualité de caution pour garantir cette opération à hauteur de 120.000 € pour intégrer les intérêts dus de 5,8 % (combinaison des pts nos 1 et 18). La société débitrice s’avère insolvable.

C’est, dans ce contexte, que le créancier décide, par courrier recommandé du 23 mars 2011, de mettre en demeure la caution afin que celle-ci procède au paiement en vertu de son engagement souscrit en 2009.

Chose assez rare, la caution décide d’assigner la banque par exploit du 4 mai 2016 sur le fondement de l’article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016, afin de voir juger le cautionnement disproportionné, et ce, avant toute action en justice de son créancier. Elle souhaite également obtenir des dommages-intérêts pour violation du devoir de mise en garde liée à ladite disproportion. La banque demande, reconventionnellement, la condamnation du demandeur à l’instance au montant restant dû au titre du prêt. En cause d’appel, les juges du fond considèrent que les demandes de la caution sont irrecevables car prescrites tant sur la déchéance liée à la disproportion fondée sur l’article L. 341-4 du code de la consommation que sur les dommages-intérêts pour violation du devoir de mise en garde. Elle est condamnée à régler à l’établissement bancaire la somme de 144 444,79 €.

Le garant se pourvoit en cassation en soulevant plusieurs arguments pour soutenir que son action était pourtant recevable. Nous allons examiner les différents points les plus importants à la lecture de cette belle décision du 18 décembre 2024 promise aux honneurs tant d’une publication au Bulletin qu’aux Lettres de chambre. La première partie de l’arrêt explique, à elle seule, ce degré de publication.

De l’impossibilité d’utiliser la disproportion du cautionnement à titre d’action

Cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022

Commençons par rappeler un point important à titre préliminaire. L’ancien article L. 341-4 du code de la consommation (devenu l’art. L. 332-1 du même code) n’énonçait pas, dans sa lettre, le fonctionnement procédural du mécanisme qu’est la disproportion du cautionnement. On a pu ainsi raisonnablement se questionner sur la possibilité d’invoquer à titre d’action les dispositions du code de la consommation concernées. Un arrêt rendu en 2021 (P. Théry et C. Gijsbers, Droit des sûretés, LGDJ, coll. « Précis Domat », 2022, p. 54, n° 39) a jeté un certain doute en précisant que « tendant à contester la possibilité pour la banque de se prévaloir du titre exécutoire notarié fondant ses poursuites, le moyen tiré de la disproportion manifeste de l’engagement de la caution à ses biens et revenus, que celle-ci invoquait pour s’opposer à la saisie-vente, échappait à la prescription » (Com. 8 avr. 2021, n° 19-12.741 F-P, nous soulignons, Dalloz actualité 3 mai 2021, obs. C. Hélaine ; D. 2021. 1702 , note N. Picod ; ibid. 1879, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Mais comme nous l’avions noté dans ces colonnes, l’action de la caution avait dans cette affaire le même but qu’un moyen de défense puisqu’elle s’opposait à la mesure d’exécution forcée – une saisie-vente – de la banque après la résolution d’un plan de redressement. Tout au plus, cet arrêt unifiait la conception de l’imprescriptibilité dans des contextes, certes différents, mais qui se rejoignaient sous certains aspects (sur l’imprescriptibilité de la défense au fond, v. par ex., Civ. 1re, 31 janv. 2018, n° 16-24.092, Dalloz actualité, 21 févr. 2018, obs. M. Kebir ; D. 2018. 292 ; ibid. 1884, obs. P. Crocq ; ibid. 2106, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2019. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2018. 214, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2018. 141,...

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