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Article
Saisine de la juridiction de renvoi : une déclaration de saisine sinon rien
Saisine de la juridiction de renvoi : une déclaration de saisine sinon rien
En l’absence de dérogation expresse en matière de demande de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, les dispositions de l’article 1032 sont applicables en la matière, de sorte que le premier président, désigné juridiction de renvoi, est saisi par déclaration effectuée au greffe de cette juridiction par la partie la plus diligente. En l’absence de toute déclaration de saisine au greffe, la juridiction de renvoi n’a pas été valablement saisie.
par Christophe Lhermittele 15 juillet 2021
Le 31 janvier 2018, le tribunal de commerce de Bobigny prononce la clôture de la liquidation judiciaire d’une société. Opposition est formée contre ce jugement par la société et son gérant.
À cette occasion, une requête en récusation de trois juges du tribunal est formée par la société et le gérant, avec demande de renvoi devant une autre juridiction.
Cette requête est rejetée par le premier président de la cour d’appel.
Sur pourvoi, l’ordonnance présidentielle est cassée (Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.836), avec renvoi devant le premier président de la cour d’appel de Versailles.
Le 22 janvier 2020, la société et son gérant déposent à nouveau une requête en récusation et demandent de renvoi devant la juridiction de renvoi, sans régulariser une déclaration de saisine. Sur cette requête, le 10 mars 2020, le premier président rend une ordonnance rejetant la demande de récusation et de renvoi.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, en relevant d’office le moyen tiré de l’absence de saisine valable de la juridiction de renvoi, les parties ayant déposé une requête sans avoir régularisé une déclaration de saisine.
Une déclaration de saisine en tout état de cause au greffe de la juridiction de renvoi…
Aux termes de l’article 1032 du code procédure civile, qui concerne les dispositions particulières aux juridictions de renvoi après cassation, « la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au greffe de cette juridiction ».
Cette disposition s’applique en tout état de cause, quelle que soit la juridiction de renvoi, qu’elle soit de première instance ou d’appel.
Et il n’est pas davantage distingué, si le renvoi est fait devant une cour d’appel, si la procédure est avec ou sans représentation obligatoire, écrite ou orale, si elle relevait du circuit ordinaire avec ou sans désignation d’un conseiller de la mise en état, de la procédure à jour fixe ou même d’une procédure sur renvoi de cassation.
En tout état de cause, et sauf disposition contraire, la partie qui a intérêt à saisir la juridiction devant laquelle la Cour de cassation a renvoyé après cassation devra nécessairement procéder par une déclaration de saisine qui constitue l’unique acte de saisine pour toutes juridictions.
En revanche, cette déclaration de saisine pourra avoir un contenu différent puisque l’article 1033 prévoit que « la déclaration contient les mentions exigées pour l’acte introductif d’instance devant cette juridiction ».
De même, les modalités de remise de l’acte pourront être différentes, la communication électronique s’imposant lorsque la représentation est obligatoire devant la cour d’appel (C. pr. civ., art. 930-1), et étant (désormais) facultative si la représentation est sans représentation obligatoire.
Peu importe en conséquence que la décision cassée émane d’une juridiction devant laquelle il n’y a pas de représentation obligatoire, comme c’était le cas en l’espèce s’agissant du premier président.
Dès lors qu’il n’existe pas de textes dérogatoires en matière de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime, la juridiction de renvoi, qui en l’espèce est le premier président, devait en tout état de cause être saisie par une déclaration de saisine et seulement par une déclaration de saisine.
C’est déjà en ce sens que la Cour de cassation s’était prononcée en matière électorale (Civ. 2e, 23 mai 2001, n° 01-60.516 P, D. 2001. 1848 ), de sorte que cet arrêt ne fait que confirmer la solution déjà donnée.
Il s’agit d’un opportun rappel.
La Cour de cassation fait preuve d’une exigence formelle, et il est tentant de rapprocher cet arrêt d’un précédent arrêt pour lequel la Cour de cassation avait fait preuve de plus de souplesse (Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-11.266 P, Dalloz actualité, 21 nov. 2017, obs. R. Laffly ; D. 2017. 2157 ; Procédures 2018, n° 2, note Croze ; Gaz. Pal. 6 févr. 2018, p. 46, obs. C. Bléry).
Mais la différence dans cette dernière espèce est que l’avocat, même s’il avait effectué un acte très curieux, avait tout de même eu la volonté de saisir la cour d’appel de renvoi.
Rien de tel ici. Les demandeurs ne se sont même pas posé la question de la saisine de la juridiction, ont estimé n’avoir aucune formalité particulière à effectuer pour saisir la juridiction de renvoi et se sont contentés de remettre leur requête au premier président.
… même s’il s’agit de saisir le premier président
En l’espèce, la Cour de cassation avait cassé une ordonnance du premier président et renvoyé les parties devant le premier président de la cour d’appel de Versailles.
Il appartenait donc à la société et à son gérant non de saisir la cour d’appel de Versailles, puis de remettre une requête au premier président, mais de remettre l’acte de saisine au greffe du premier président.
En effet, à aucun moment la cour d’appel n’avait eu à connaître de cette affaire, étant rappelé à cet égard que le premier président n’est pas la cour d’appel. C’est d’ailleurs parce que le premier président est une juridiction à distinguer de la cour d’appel que la Cour de cassation avait refusé de lui étendre la communication électronique, la Cour de cassation considérant que l’arrêté technique du 5 mai 2010 ne s’appliquait qu’aux cours d’appel, à l’exclusion du premier président (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-20.047, Dalloz actualité, 14 sept. 2018, obs. C. Bléry ; 7 déc. 2017, n° 16-19.336 P, Bull. civ. II, n° 227 ; Dalloz actualité, 14 déc. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2017. 2542 ; ibid. 2018. 692, obs. N. Fricero ; ibid. 1223, obs. A. Leborgne ). Et ce n’est que depuis le 1er septembre 2020, et l’arrêté du 20 mai 2020 (arr. du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, JO 21 mai 2020), que cette communication électronique a été étendue à cette juridiction qu’est le premier président.
En l’espèce, surtout, le premier président avait été saisi dans le cadre d’une demande de récusation à l’occasion de la procédure d’opposition, devant le tribunal de commerce, contre le jugement ordonnant la clôture de la liquidation.
L’instance devant le premier juge est toujours en cours, dans l’attente de ce qui devait être décidé par le premier président sur la demande de récusation.
En conséquence, c’est une déclaration de saisine du premier président qui devait être régularisée.
Notons cependant que si la cour d’appel et le premier président de la cour d’appel sont des juridictions distinctes, les articles 966 et suivants situés dans le chapitre « le greffe » ne font pas de distinction quant à eux. Et le greffe dont il est question aux articles 966 et suivants est autant celui de la cour d’appel que celui du premier président.
En pratique, donc, la déclaration de saisine sera remise au même greffe, mais l’acte de saisine devra indiquer la juridiction de renvoi, à savoir le premier président.
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