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Reportage 

Avocat en entreprise : pourquoi y sont-ils favorables ?

Parmi les voix discordantes qui s’élèvent autour du projet de loi relatif à la croissance et l’activité, celles en faveur du statut d’avocat d’entreprise semblent avoir l’oreille de la Chancellerie. Face à ce qui semble désormais se dessiner comme une modernisation inéluctable de la profession, elles entendent peser de tout leur poids dans les discussions avec le gouvernement.

par Anaïs Coignacle 7 novembre 2014

Un sujet… sur la table

Le garde des Sceaux Christiane Taubira l’a rappelé à plusieurs reprises jeudi 30 septembre, lors de son discours devant la Convention nationale des avocats, à Montpellier : « c’est sur la table ». La création du statut d’avocat en entreprise ne semble plus faire de doute, même si le ministre a précisé que « le texte qui a fuité n’est pas celui qui engagera le gouvernement », puisqu’il reste encore à définir un cadre, des modalités d’exercice et à entendre les arguments. La presse avait en effet obtenu une version du projet de loi. Il y est question de l’indépendance de l’avocat salarié d’entreprise liée à son serment, de l’absence de clientèle personnelle de ce dernier, des modalités de son contrat de travail, du lien de subordination avec le bâtonnier en cas de litige sur le contrat de travail, de la possibilité pour l’avocat de « plaider, postuler, assister ou représenter devant une juridiction » au seul bénéfice « de l’entreprise qui l’emploie et dans les matières où celle-ci est autorisée à mandater l’un de ses salariés pour la représenter ». Le texte s’attarde également sur les conditions du secret professionnel, y compris en cas de perquisition des locaux de l’entreprise. L’article précise : « l’avocat salarié d’une entreprise est astreint au secret professionnel sans que celui-ci puisse être opposé à son employeur ».

Il semble que le gouvernement s’attache à rassurer les parties en jeu : les avocats d’une part qui craignent de se voir déposséder de leurs missions auprès des entreprises et des grands principes qui fondent leur profession (indépendance, confidentialité), les chefs d’entreprise par ailleurs qui ne souhaitent pas perdre la main sur les éléments des négociations. « Cela pose la question de la subordination » a souligné Christiane Taubira, ajoutant « il nous faut garantir si nous restons sur la même formation, sur le même serment, sur la même déontologie, sur la même éthique donc sur la même probité en général. Il est important de regarder en quelle situation de contrainte on peut placer les avocats par ce statut éventuel de l’avocat en entreprise ». Il appartient désormais aux avocats de se faire entendre sur les contours de la réforme et l’Ordre de Paris qui s’est positionné plusieurs fois en faveur du statut d’avocat d’entreprise espère bien jouer ici tout son rôle.

« J’ai dit au ministre que nous entendions être un interlocuteur sur ces thématiques et nous allons donc réfléchir ensemble aux meilleures options possibles », expliquait Laurent martinet, vice-bâtonnier à l’issue d’une rencontre avec le garde des Sceaux lors de la convention nationale des avocats. « Je pense que nous aurons de nouvelles réunions », conclut-il. D’ici là, l’Ordre de Paris souhaite rassurer, ouvrir le dialogue avec ses confrères qui, lors du vote du Conseil national des barreaux (CNB) ont voté à une large majorité contre la réforme du gouvernement. Un avis considéré comme « un vote d’humeur » par la Chancellerie selon Laurent Martinet. « Le garde des Sceaux a expliqué qu’il était inutile de s’opposer à des réformes souhaitables et souhaitées. Ce serait bien que le CNB ait sur cela une réflexion un peu plus pragmatique. En plus nous avons une vraie écoute de la Chancellerie, autant réfléchir maintenant ».

La création du statut d’avocat est une réflexion de longue date, préconisée dans de nombreux rapports dont celui de Jean-Michel Darrois, de 2009, ou celui de Michel Prada de mars 2011. Hier partagés sur le fond de la réforme, les directeurs juridiques du Cercle de Montesquieu et de l’association française des juristes d’entreprise (AFJE) s’expriment aujourd’hui d’une même voix pour demander le statut d’avocat en entreprise. Un livre blanc a d’ailleurs été édité cette année, intitulé Company Lawyers : Independent by design, travail collectif publié à 60 mains issues de 23 pays différents. Pour Philippe Coen, président de l’association européenne des juristes d’entreprise (ECLA) et vice-président de l’AFJE, cet ouvrage explique « à quel point c’est une hérésie de penser qu’on peut être dépendant parce que salarié ». Par ailleurs, un code de...

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