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Non, le préjudice nécessaire n’est pas mort

Le dépassement de la durée maximale de travail ouvre à lui seul droit à réparation.

par Julien Cortotle 2 mars 2022

Le 13 avril 2016, la Cour de cassation mettait fin au préjudice nécessaire dans le cadre du contentieux social (Soc. 13 avr. 2016, n° 14-28.293, Dalloz actualité, 17 mai 2016, B. Ines ; D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ). C’est du moins ce qu’ont coutume de rappeler les plaideurs chargés de la défense des intérêts patronaux. Il n’y aurait donc plus de manquement à la législation sociale qui causerait nécessairement un préjudice au salarié, pour reprendre la formule longtemps consacrée, et qu’il reviendrait au juge du fond de réparer systématiquement dès lors qu’une faute de l’employeur est constatée. Il faut dire que, jusqu’à cette décision, les arrêts de la cour régulatrice reconnaissant des situations dans lesquelles le salarié subissait nécessairement un préjudice en raison de la violation du droit du travail ne manquaient pas.

C’est par l’utilisation d’une formule générale dans la décision, selon laquelle « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond », que la fin du préjudice nécessaire s’était révélée. Dans le rapport annuel de la Cour de cassation, on pouvait lire au sujet de cet arrêt la volonté de la chambre sociale de revenir à une application plus orthodoxe des règles de la responsabilité civile et commune à l’ensemble des chambres civiles de la Cour de cassation (Cass., Rapport annuel 2016, p. 247). La formule n’était pas des mieux choisies, tant il n’est plus nécessaire de démontrer que l’application « orthodoxe » du droit commun à la relation de travail n’est pas des plus appropriées en présence de la partie faible qu’est le salarié (on renvoie ici à l’analyse de H. Ciray : Les contours du préjudice nécessaire en droit du travail, obs. ss Soc. 17 oct. 2018, n° 17-14.392, Dalloz actualité).

Le commentaire produit par la Cour régulatrice elle-même laissait d’ailleurs ouverte, à bien lire, la porte du préjudice nécessaire. En effet, le rapport soulignait que d’autres chambres reconnaissaient son existence. Il en était ainsi (Com. 9 oct. 2001, n° 99-16.512, RTD civ. 2002. 304, obs. P. Jourdain ), et c’est toujours le cas (Com. 12 mai 2021, n° 19-22.707), de la chambre commerciale considérant qu’il « s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale ». Le rapport annuel évoquait également la première chambre civile et la réparation en matière de manquements au devoir d’information.

Il était donc question de mettre en place une application de la responsabilité civile commune aux chambres civiles, alors même que d’autres chambres que la chambre sociale appliquaient dans certains cas la notion de préjudice nécessaire. Il fallait probablement en déduire, plutôt que la fin du préjudice automatique en matière sociale, une diminution des situations concernées et une réorientation de sa justification. Le rapport...

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