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Nouvelle abrogation partielle de l’isolement et de la contention en soins psychiatriques sans consentement

Dans une décision rendue le 5 mars 2025, le Conseil constitutionnel décide de censurer partiellement le dispositif issu de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique dans sa rédaction de 2022. Une telle abrogation appellera une nouvelle décision pour la mouture de cette même disposition issue de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023.

La législation portant sur l’isolement et la contention en soins psychiatriques sans consentement suscite, depuis bientôt cinq ans, des transmissions à répétition de questions prioritaires de constitutionnalité de la part de la première chambre civile de la Cour de cassation au Conseil constitutionnel lequel a abrogé, par deux fois en 2020 puis en 2021, le dispositif en vigueur (v. sur les décisions de 2020, Civ. 1re, QPC, 5 mars 2020, n° 19-40.039, Dalloz actualité, 15 avr. 2020, obs. C. Hélaine ; Cons. const. 19 juin 2020, n° 2020-844 QPC, Dalloz actualité, 16 juill. 2020, obs. D. Goetz ; AJDA 2020. 1265 ; D. 2020. 1559, et les obs. , note K. Sferlazzo-Boubli ; ibid. 2021. 1308, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; RTD civ. 2020. 853, obs. A.-M. Leroyer ; sur les décisions de 2021, Civ. 1re, QPC, 1er avr. 2021, n° 21-40.001, Dalloz actualité, 15 avr. 2021, obs. C. Hélaine ; RTD civ. 2021. 380, obs. A.-M. Leroyer ; Cons. const. 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC, AJDA 2021. 1176 ; D. 2021. 1324, et les obs. , note K. Sferlazzo-Boubli ; RTD civ. 2021. 619, obs. A.-M. Leroyer ). La loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 est venue forger dans le code de la santé publique le nouvel article L. 3222-5-1 que nous connaissons lequel a été complété par un décret d’application pris quelques mois plus tard le 23 mars suivant (sur ces textes, v. Décr. n° 2022-419 du 23 mars 2022, JO 25 mars, Dalloz actualité, 29 mars 2022, obs. C. Hélaine). Ce texte a ensuite été modifié pour tenir compte du transfert de compétence du juge des libertés et de la détention au magistrat du siège opéré par la loi du 20 novembre 2023 (Loi n° 2023-1059 du 20 nov. 2023, JO 21 nov., Dalloz actualité, 27 nov. 2023). 

Une première abrogation de l’article L. 3222-5-1 nouveau du code de la santé publique a été évitée en mars 2023 (Cons. const. 31 mars 2023, n° 2023-1040/1041 QPC, Dalloz actualité, 6 avr. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 762 , note L. Bodet et V. Tellier-Cayrol ). Nous retrouvons aujourd’hui, cinq années jour pour jour après la transmission de la première question prioritaire de constitutionnalité, une nouvelle décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1127 QPC rendue le 5 mars 2025 ayant conduit à l’abrogation partielle du texte dans sa rédaction de 2022. Ceci nous invitera à questionner la mouture en vigueur de la disposition, laquelle impliquera une nouvelle décision d’inconstitutionnalité si le législateur ne prend pas en main rapidement la situation.

Reprenons le contexte de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée avant d’étudier la réponse donnée par le Conseil constitutionnel.

Le contexte du renvoi au Conseil constitutionnel

Les faits ayant donné lieu au litige qui a suscité la question prioritaire de constitutionnalité permettent de contextualiser celle-ci. Une personne est admise en soins psychiatriques sans consentement le 7 octobre 2023 et ce pour péril imminent au sens de l’article L. 3212-1, II, 2°, du code de la santé publique. La mesure est maintenue trois jours plus tard. Le 16 janvier 2024, un programme de soins est mis en place à l’égard de ce même patient. Cependant, le 5 mars suivant, le directeur de l’établissement d’accueil souhaite réintégrer l’intéressé dans le cadre d’une hospitalisation complète sans son consentement. Par ordonnance du 15 mars 2024, le juge des libertés et de la détention autorise la poursuite de la mesure.

À partir de ce point, plusieurs protocoles d’isolement vont se succéder. Par une nouvelle ordonnance du 21 mars 2024 à 15h12, le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée de l’isolement décidé par le centre hospitalier. Le directeur d’établissement saisit toutefois le juge afin d’obtenir la prolongation d’un nouveau protocole d’isolement mis en place moins de deux heures plus tard. Le 25 mars 2024, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de cette mesure. C’est sur ce point qu’un appel est interjeté par le patient hospitalisé sans son consentement. Le premier président de la cour d’appel confirme la décision du juge des libertés et de la détention et, dans ce contexte, la personne isolée se pourvoit en cassation.

Durant la procédure devant la Cour de cassation, le demandeur au pourvoi forme une demande de renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité ainsi formulée :

L’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique méconnaît-il les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, en ce qu’il ne prévoit pas que lorsqu’un majeur protégé fait l’objet d’une décision d’isolement dans le cadre de la mesure d’hospitalisation complète sans consentement, le directeur de l’établissement soit tenu d’aviser systématiquement le tuteur ou le curateur afin de permettre au majeur protégé d’être assisté dans l’exercice de ses droits ?

La première chambre civile de la Cour de cassation décide de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question (Civ. 1re, 11 déc. 2024, n° 24-15.779). Elle décide, en effet, que celle-ci revêt un caractère sérieux dans la mesure où l’interrogation portant sur l’information de la personne chargée de la mesure de protection peut avoir des incidences directes sur l’exercice de...

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