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Procès des écoutes Bismuth : l’audience suspendue dans l’attente d’une expertise médicale

La 32e chambre correctionnelle de Paris juge Nicolas Sarkozy, son avocat Thierry Herzog et le magistrat Gilbert Azibert pour corruption, trafic d’influence, violation du secret professionnel. L’audience a été suspendue en raison de l’état de santé de Gilbert Azibert.

par Marine Babonneaule 23 novembre 2020

L’« ordonnance Dupond-Moretti », qui autorise le recours à la visioconférence pour faire comparaître un accusé et qui a déclenché la colère de certains avocats au procès des attentats de Charlie et de l’Hyper Cacher, sera-t-elle également utilisée pour le procès des écoutes ?

Lundi 23 novembre, Dominique Allegrini, l’avocat de l’ancien magistrat à la Cour de cassation (à l’époque, premier avocat général), a fait valoir, certificat médical à l’appui, que son client était « suivi pour insuffisance cardiaque et problèmes respiratoires ». Il a rappelé que Gilbert Azibert, lors de sa garde à vue, avait dû bénéficier d’un respirateur. « Compte tenu de son âge, 73 ans, et de son dossier médical, il est très fortement déconseillé de se déplacer […] alors que mon client tient absolument à être devant vous pour s’expliquer. » Il demande le renvoi du procès.

Du côté du parquet national financier (PNF), ses deux représentants, Céline Guillet et Jean-Luc Blachon, ont proposé de faire application de l’article 2 de l’ordonnance du 18 novembre 2020, dite « ordonnance Dupond-Moretti », selon laquelle il peut être recouru à « un moyen de télécommunication audiovisuelle devant l’ensemble des juridictions pénales et pour les présentations devant le procureur de la République ou devant le procureur général, sans qu’il soit nécessaire de recueillir l’accord des parties ».

Selon les magistrats, le débat autour du procès Charlie « ne peut s’appliquer à Gilbert Azibert. Le débat porte sur l’oralité propre aux assises et la situation médicale de l’accusé malade et détenu n’est pas comparable à celle de Gilbert Azibert ». Le recours à la visioconférence apparaîtrait donc comme « une alternative » envisageable. « Nous souhaitons avant tout une situation raisonnable qui préserverait la tenue d’un procès équitable et la continuité du service de la justice », a conclu le PNF.

L’avocat de Gilbert Azibert a évoqué, en réponse, le risque d’une justice déshumanisée et dématérialisée. Les avocats de Nicolas Sarkozy et de Thierry Herzog, Jacqueline Laffont et Hervé Temime, ont estimé, de leur côté, qu’ils ne « cautionneraient » pas un procès en visioconférence pendant trois semaines. « Ce serait la plus mauvaise des solutions. » Ils n’ont pas demandé de renvoi.

La présidente du tribunal, Christine Méé, a fait ordonner une expertise médicale dont les conclusions devront être rendues jeudi 26 novembre. Le procès est suspendu jusque-là. Il doit se poursuivre jusqu’au 10 décembre. Le Conseil national des barreaux (CNB) a annoncé lundi 23 novembre avoir formé un recours devant le Conseil d’État contre l’ordonnance (référé-liberté, 16 heures).

Les trois hommes encourent dix ans de prison et 1 million d’euros d’amende. Paul Bismuth, un ancien camarade de lycée de Thierry Herzog, dont le nom a servi à l’ouverture de la ligne téléphonique « cachée » entre l’ex-chef de l’État et son conseil, a décidé de se constituer partie civile, estimant que son nom avait été « galvaudé » pendant toutes ces années.