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Paiement des honoraires : portée de l’irrégularité de la facturation

Le juge saisi d’une contestation des honoraires d’un avocat en fixe le montant conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, nonobstant les irrégularités pouvant affecter la facturation de ceux-ci au regard des prescriptions de l’article L. 441-3 du code de commerce.

par Gaëlle Deharole 4 septembre 2020

La jurisprudence relative à la contestation des honoraires d’avocat reste décidément vive : elle revient une nouvelle fois devant la Cour de cassation (Civ. 2e, 16 juill. 2020, n° 19-17.331, D. 2020. 1522 ). Un différend relatif au montant des honoraires restant dus à l’avocat par sa cliente (C. Caseau-Roche, Contestation d’honoraires : exclusion de la tierce opposition à l’encontre de la décision du bâtonnier, Dalloz actualité, 26 mars 2020), une réclamation avait été soumise au bâtonnier (décr. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 175) puis, sur recours, au premier président de la cour d’appel (décr. n° 91-1197, art. 176), conformément à la procédure spéciale de contestation des honoraires prévue par les articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991(C. Caseau-Roche, Contestation d’honoraires : délais de recours de l’avocat, Dalloz actualité, 21 avr. 2020).

Sur recours, le premier président de la cour d’appel avait fixé la somme restant due par la cliente en considérant qu’« aucune précision n’a été donnée dans les factures même sur la nature des diligences effectuées ». Il ajoutait que, « même si ces précisions sont apportées dans un document extérieur remis ultérieurement, ces factures ne peuvent donner lieu à aucun versement d’honoraires ».

Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Demandeur à la cassation, l’avocat invoquait deux arguments : d’une part, il arguait de ce que la sanction du défaut de respect des règles de facturation ne consiste pas en la nullité de la facture émise, de sorte que l’absence de précision, sur la facture adressée par l’avocat à son client, de la nature des diligences accomplies ne confère pas un caractère indu aux sommes réclamées par l’avocat. D’autre part, il soutenait que le premier président d’une cour d’appel, saisi d’une contestation d’honoraires d’avocat, ne peut rejeter la demande en fixation d’honoraires qu’en l’état d’un défaut complet de diligences de la part de l’avocat ou de diligences toutes manifestement utiles.

C’est sur le fondement du premier de ces arguments qu’intervient la cassation. Il était en effet demandé à la Cour de cassation de se prononcer sur la sanction des irrégularités dans la facturation des honoraires.

Professionnel du droit, l’avocat tire ses revenus des prestations de service qu’il fournit à son client. La nature spécifique de ces services justifie l’existence d’une procédure particulière de contestation des honoraires d’avocat. Celles-ci sont régies par les règles spécifiques, d’ordre public, énoncées par l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (Civ. 2, 13 sept. 2012, n° 10-21.144, D. 2012. 2991, obs. T. Clay ). Toutefois, l’avocat est aussi un entrepreneur et la question s’était posée de l’application des dispositions du code de commerce.

À cet égard, la deuxième chambre civile avait jugé que l’avocat, prestataire de service, relève des dispositions de l’article L. 441-6 et D. 441-5 du code de commerce (Civ. 2e, 3 mai 2018, n° 17-11.926, G. Deharo, Honoraires de l’avocat et retard de paiement : modalités du recouvrement, Dalloz actualité, 18 mai 2018 ; D. 2018. 1020 ; ibid. 2019. 91, obs. T. Wickers ), ainsi que de l’article L. 441-3 du code de commerce dans ses rapports avec son client professionnel (Civ. 2e, 3 mai 2018, n° 17-13.167, jur. préc.) avant d’exclure l’application des dispositions de l’article L. 442-6, I, 1° et 2°, dès lors qu’il n’existe pas de relation commerciale entre l’avocat et le cabinet au sein duquel il collabore (Civ. 2e, 20 évr. 2019, n° 17-27.967, J.-D. Pellier, L’avocat n’est pas un commerçant, Dalloz actualité, 8 mars 2019 ; D. 2019. 438 ; ibid. 2020. 108, obs. T. Wickers ; D. avocats 2019. 309, obs. C. Caseau-Roche ).

C’est en l’espèce la question de l’application de l’article L. 441-3 du code de commerce qui était posée à la Cour. Plus spécifiquement, il s’agissait de tirer les conclusions du défaut des mentions requises par ce texte sur le droit à rémunération de l’avocat.

Sous cet éclairage, la jurisprudence antérieure avait déjà jugé que le défaut l’irrégularité affectant une convention d’honoraire ne privait pas l’avocat du droit de percevoir des honoraires pour les diligences accomplies (Civ. 2e, 21 nov. 2019, n° 17-26.856 et 14 juin 2018, n° 17-19.709, Dalloz actualité, 20 juin 2018, obs. J.-D. Pellier ; D. 2018. 1317 ; ibid. 2048, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; ibid. 2019. 91, obs. T. Wickers ; AJ fam. 2018. 607, obs. S. Thouret ; Aix-en-Provence, 19 déc. 2017, n° 16/19160, D. avocats 2018. 117, obs. G. Deharo ). Ces honoraires sont alors fixés dans les conditions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 (J.-D. Pellier, L’avocat ne travaille finalement pas gratuitement, Dalloz actualité, 20 juin 2018 et, du même auteur, Le défaut de convention d’honoraires écrite n’affecte pas le droit de l’avocat à être rémunéré, Dalloz actualité, 19 janv. 2018).

Conformément à sa jurisprudence antérieure, et statuant sous le visa des articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce, la deuxième chambre civile casse en l’espèce l’ordonnance rendue par le premier président sur le fondement d’une violation de la loi. La cour rappelle que le juge saisi d’une contestation des honoraires d’un avocat en fixe le montant conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, nonobstant les irrégularités pouvant affecter la facturation de ceux-ci au regard des prescriptions de l’article L. 441-3 du code de commerce.