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Pas de notification obligatoire du droit de garder le silence avant la discussion des modalités de comparution

Devant la chambre des appels correctionnels, le droit de garder le silence doit être notifié au prévenu avant qu’il ne prenne la parole au cours des débats. Cette obligation ne saurait s’imposer lorsque le prévenu est seulement interrogé sur sa volonté de solliciter un renvoi devant une formation collégiale. 

Nul n’ignore le caractère fondamental du droit de garder le silence. De même, il est aujourd’hui largement su que ce droit n’est effectif que s’il est notifié. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a, par de nombreuses décisions, élargi le domaine d’application de cette obligation : en cas de présentation au juge des libertés avant qu’il se prononce sur une mesure de sûreté (Cons. const. 4 mars 2021, n° 2020-886 QPC, Dalloz actualité, 12 mars 2021, obs. V. Morgante ; RSC 2021. 483, obs. A. Botton  ; 30 sept. 2021, n° 2021-935 QPC, Dalloz actualité, 7 oct. 2021, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2021. 540 ; RSC 2022. 419, obs. A. Botton ), en cas d’examen psychiatrique (Cons. const. 25 févr. 2022, n° 2021-975 QPC, Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. S. Goudjil ; RSC 2022. 419, obs. A. Botton ), lors du recueil de renseignements socio-éducatifs (Cons. const. 9 avr. 2021, n° 2021-894 QPC, Dalloz actualité, 29 avr. 2021, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2021. 274, obs. E. Gallardo )… La chambre criminelle de la Cour de cassation n’est pas en reste : elle a reconnu ce droit applicable dans le cadre du contentieux des mesures de sûreté (Crim. 24 févr. 2021, n° 20-86.537, Dalloz actualité, 14 mars 2021, obs. M. Recotillet ; D. 2021. 426 ; AJ pénal 2021. 269, obs. G. Courvoisier-Clément ; ibid. 167 et les obs. ; RSC 2021. 448, obs. J.-P. Valat ) et celui de l’irresponsabilité pénale pour trouble mental (Crim. 8 juill. 2020, n° 19-85.954, Dalloz actualité, 7 sept. 2020, obs. M. Recotillet ; D. 2020. 1463 ; AJ pénal 2020. 414, obs. J.-B. Thierry ; RSC 2020. 686, obs. P.-J. Delage ). Ce mouvement a été corroboré par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 qui a ajouté une référence à la notification du droit de garder le silence à l’article préliminaire du code de procédure pénale. Toutefois, cette progression ne pouvait rester sans limite, ce qu’illustre le présent arrêt.

Un homme a été poursuivi pour violences aggravées devant le tribunal correctionnel. Il a été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis. Il a interjeté appel, tout comme le ministère public. Devant la chambre des appels correctionnels, le prévenu, assisté par son avocat, a été informé qu’il pouvait solliciter le renvoi à une formation collégiale. Il a saisi l’occasion qui lui a été offerte de demander le renvoi, mais celui-ci a été rejeté. Par la suite, il a été informé de son droit de garder le silence, puis il a été interrogé sur le fond. La Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement de première instance, en condamnant le mis en cause à une peine d’emprisonnement de six mois avec sursis.

Dans son pourvoi, le prévenu condamné a soutenu que la cour d’appel avait violé les articles 406 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Selon lui, il aurait dû être informé par la chambre des appels correctionnels de son droit de garder le silence avant qu’il présente sa demande de renvoi. En effet, pour le pourvoi, un prévenu doit être informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire avant tout débat.

Le moyen n’a pas prospéré devant la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a rejeté son pourvoi. La motivation enrichie de l’arrêt apporte d’utiles précisions sur le droit de garder le silence tout en offrant une illustration du droit de demander le renvoi devant une formation collégiale.

La demande de renvoi à une formation collégiale

La composition de la chambre des appels correctionnels est régie par l’article 510 du code de procédure pénale. Ce texte a été modifié par la loi du 23 mars 2019 pour instaurer une procédure de jugement à juge unique. Bien qu’il soit relativement récent, l’article 510 a déjà posé des difficultés d’application (v. par ex., Crim. 28 mars 2023, n° 22-82.032, Dalloz actualité, 14 juin 2023, obs. J. Pidoux ; AJ pénal 2023. 247 et les obs. ). Selon son deuxième alinéa, lorsque l’affaire a été...

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