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Actualité du deuxième trimestre 2022 du droit des entreprises en difficulté

Cet article dresse un panorama des jurisprudences les plus significatives intervenues en droit des entreprises en difficulté au cours du deuxième trimestre 2022. Les thématiques abordées sont variées, cette fois encore, mais sont dominées par la question des effets de la procédure de la liquidation judiciaire.

par Georges Teboul, avocat AMCOle 23 juin 2022

Les effets de la liquidation judiciaire

Plusieurs arrêts sont intervenus sur ce sujet :

Subsistance de la personnalité morale de la société en liquidation judiciaire

En premier lieu, un arrêt du 21 avril 2022 (Com. 21 avr. 2022, n° 20-10.809, Dalloz actualité, 25 mai 2022, obs. X. Delpech) a tiré les conséquences de l’article 1844-7, 7°, du code civil qui, avant l’ordonnance du 12 mars 2014, avait pour conséquence de lier l’ouverture de la liquidation judiciaire et la dissolution de la société. Cependant, la personne morale subsistait jusqu’à la publication de la clôture de la liquidation.

Nous savons qu’à la suite de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, la dissolution n’intervient désormais qu’à la clôture, de sorte que cet arrêt demeure intéressant. Dans cette affaire, l’intégralité des parts d’une SARL avaient été cédées et la société avait été déclarée en liquidation judiciaire. La société ayant acquis les parts avait assigné le cédant en exécution de la garantie d’actif et de passif prévue par l’acte de cession puis avait demandé l’annulation de la cession et la remise des parties dans la situation antérieure. Le cédant et le liquidateur judiciaire indiquaient que la restitution était impossible, les parts sociales n’existant plus du fait de l’ouverture d’une liquidation judiciaire. Cependant, dès lors que la publication de la clôture n’était pas intervenue, les parts sociales avaient toujours une existence juridique et pouvaient donc faire l’objet d’une restitution en nature.

Dissolution de la société en participation

Dans une autre affaire jugée le même jour (Com. 21 avr. 2022, n° 20-13.625), une cour d’appel avait rejeté la demande de dissolution d’une société de moyens, sachant qu’il existait entre plusieurs cardiologues une société en participation sur les conditions de l’exercice commun et une société de moyens apportant les moyens matériels pour exercer la profession.

La dissolution de la société en participation avait été ordonnée et certains associés avaient demandé la désignation d’un administrateur provisoire de la société de moyens tandis que d’autres avaient demandé la dissolution de cette société qui avait été mise en liquidation judiciaire. Les juges d’appel avaient rejeté la demande de dissolution de la société de moyens, considérant que la liquidation judiciaire rendait la dissolution sans objet. La Cour de cassation a considéré que cela violait l’article 1844-7, 7°, du code civil qui, dans sa rédaction postérieure à l’ordonnance précitée du 12 mars 2014, reporte la dissolution de plein droit à la clôture de la liquidation. Ainsi, la demande de dissolution ne devient pas sans objet dès l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Liquidation judiciaire en période d’observation

La liquidation judiciaire ne peut être prononcée en période d’observation qu’après l’avis du ministère public. Or, il existait des mentions contradictoires, de sorte qu’il n’était pas certain que cet avis ait été recueilli. En effet, il était indiqué que le ministère public était non comparant et qu’il n’avait pas donné son avis. Or, cet avis était nécessaire (Com. 13 avr. 2022, n° 21-13.040).

Résiliation d’un bail commercial

En liquidation judiciaire, le juge-commissaire qui est saisi d’une demande de résiliation d’un bail commercial ne peut pas accorder les délais de paiement prévus par le code civil (Com. 18 mai 2022, n° 20-22.164, Dalloz actualité, 13 juin 2022, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; Veille permanente 20 mai 2022, note J.-L. Vallens). En l’espèce, ni l’article 1343-5 du code civil, ni l’article L. 145-41 du code de commerce ne pouvaient être applicables. Le juge-commissaire peut constater la résiliation du bail de plein droit lorsque la demande est postérieure de trois mois à l’ouverture de la procédure, et lorsque les loyers postérieurs n’ont pas été payés. Le juge-commissaire n’a donc pas le pouvoir d’accorder des délais en étant saisi par application de l’article L. 641-12 du code de commerce.

Délais de paiement

La Cour de cassation, par une motivation laconique, a considéré qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire saisi sur le fondement de l’article R. 641-21, alinéa 2, du code de commerce, d’accorder des délais de paiement. La Cour de cassation a eu par ailleurs l’occasion de réaffirmer une règle pourtant bien connue, selon laquelle, le bailleur ne peut demander l’acquisition de la clause résolutoire pour des impayés antérieurs au jugement d’ouverture si une décision définitive n’est pas intervenue auparavant. En l’espèce, la procédure était en cours. La cour d’appel avait estimé recevable la demande en résiliation du bail commercial au motif que le jeu de la clause résolutoire s’apprécie au moment de la délivrance du commandement de payer qui était antérieur à l’ouverture de la procédure de sauvegarde. L’article L. 145-41, alinéa 1er, du code de commerce avait donc été neutralisé (Civ. 3e, 13 avr. 2022, n° 21-15.336, Dalloz actualité, 16 mai 2022, obs. S. Andjechaïri-Tribillac).

La liquidation judiciaire du bailleur

Un arrêt récent est venu statuer dans une affaire intéressante (Com. 23 mars 2022, n° 20-19.174, Dalloz actualité, 5 avr. 2022, obs. B. Ferrari ; AJDI 2022. 361 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. sociétés 2022. 381, obs. F. Reille ; Veille permanente 30 mars 2022, note J.-P. Rémery). La question était de savoir si un locataire de locaux commerciaux qui a un bailleur en liquidation judiciaire dispose d’un droit de préemption en cas de vente de l’immeuble ordonnée par le juge-commissaire. Une vente de gré à gré était autorisée et le notaire avait notifié au locataire le projet de vente en lui indiquant qu’il disposait d’un droit de préemption. Rappelons que le droit de préemption du locataire commercial est régi à l’article L. 145-46-1, alinéa 1er, du code de commerce. S’agissant ici d’une vente forcée, le locataire ne dispose pas du droit de préemption. Dès lors, ce locataire n’a pas qualité à exercer un recours contre la décision de vente prise par le juge-commissaire. Dès lors que le locataire ne peut exercer un droit de préemption, ses droits et obligations ne peuvent être affectés par la décision du juge-commissaire (Com. 18 mai 2016, n° 14-19.622 P, Dalloz actualité, 2 juin 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 2244, chron. F. Arbellot, A.-C. Le Bras, T. Gauthier et S. Tréard ; RTD com. 2016. 856, obs. J.-L. Vallens ). Cet arrêt est important car il s’agit d’un arrêt de cassation de la décision qui avait annulé pour excès de pouvoir l’ordonnance du juge-commissaire.

La portée du dessaisissement provoqué par la liquidation judiciaire

Il s’agissait d’un procès-verbal de réception des travaux qui avaient été effectués par une entreprise mise en liquidation judiciaire. Ce procès-verbal de réception avait été établi le jour du jugement du redressement judiciaire et signé par le dirigeant de la société débitrice. Les juges du fond avaient considéré que la société étant dessaisie, le dirigeant n’avait plus qualité à signer ce document. Cependant, la règle du dessaisissement est prévue dans l’intérêt des créanciers et dès lors seul le liquidateur peut se prévaloir de la violation de la règle (Civ. 3e, 2 mars 2022, n° 20-16.787, Dalloz actualité, 21 mars 2022, obs. B. Ferrari ; Rev. sociétés 2022. 377, obs. P. Roussel Galle ).

À l’occasion d’une autre affaire concernant une action en réduction d’une donation-partage, la portée du dessaisissement a été précisée. Cette action est en effet attachée à la personne de l’héritier et échappe donc à cette règle prévue par l’article L. 641-9 du code de commerce (Com. 2 mars 2022, n° 20-20.173, Dalloz actualité, 22 mars 2022, obs. B. Ferrari ; D. 2022. 460 ; AJ fam. 2022. 289, obs. J. Casey ; ibid. 176, obs. D. D’Ambra ).

Les autres thématiques

La déclaration de créance

Le feuilleton de la déclaration de créance n’en finit pas. Nous savons qu’un formalisme réduit est requis. Cependant, la créance antérieure au jugement d’ouverture doit faire l’objet d’une déclaration au passif pour permettre sa compensation avec une dette connexe (C. com., art. L. 622-7, L. 622-24 et L. 622-26). Cette solution, pourtant classique, a provoqué une décision de cassation (Com. 2 mars 2022, n° 20-20.500).

Deux arrêts ont été récemment rendus par la Cour de cassation le 23 mars 2022. Dans la première affaire (Com. 23 mars 2022, n° 20-19.274), des pièces justificatives produites n’avaient pas été jointes à la déclaration de créance et n’avaient été versées au débat qu’après l’expiration du délai de déclaration. Il a été considéré que ces pièces ont une valeur probatoire en application de l’article R. 622-23 du code de commerce qui dispose que les documents justificatifs doivent être joints à la déclaration de créance. Cependant, le mandataire judiciaire peut demander ultérieurement la production de documents qui n’auraient pas été joints, de sorte que les pièces gardent une valeur probatoire.

Dans la deuxième affaire (Com. 23 mars 2022, n° 20-19.275), il s’agissait d’une ratification d’une déclaration de créance irrégulière : il a été jugé au visa de l’article L. 622-24, alinéa 2 (dans sa rédaction antérieure à l’ord. du 12 mars 2014), que le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance et l’arrêt constate que la banque avait demandé dans ses conclusions d’appel la confirmation de l’ordonnance d’admission, de sorte qu’elle avait nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom.

Le critère du centre des intérêts principaux dans les procédures d’insolvabilité

Nous savons depuis une décision du 17 janvier 2006 (CJCE 17 janv. 2006, n° C-1/04, Staubitz-Schreiber, D. 2006. 1752 , note R. Dammann ; Rev. sociétés 2006. 346, note J.-L. Vallens ; Rev. crit. DIP 2006. 678, note J.-M. Jude ) que le critère de compétence en droit européen est le lieu du centre des intérêts principaux du débiteur. Or, ici, le débiteur avait déplacé ce centre dans un autre état membre entre la demande d’ouverture et l’ouverture de la procédure. Compte tenu de la nécessité d’assurer un fonctionnement efficace et d’accélérer les procédures transfrontalières, il a été jugé que la juridiction de l’état membre qui avait été saisie d’une demande d’ouverture conserve une compétence exclusive, même en cas de transfert ultérieur (CJUE 24 mars 2022, aff. C-723/20, Dalloz actualité, 6 avr. 2022, obs. F. Mélin ; Veille permanente 6 avr. 2022, note P. Roussel Galle). Cette décision paraît logique pour éviter des complexités peu souhaitables.

La procédure de surendettement en appel

Une banque a appris à ses dépens que la procédure est orale en cette matière. En effet, un débiteur avait bénéficié d’une procédure de rétablissement personnel. La banque avait interjeté appel car sa créance ne figurait pas parmi les créances admises. La banque ne pouvait bénéficier des dispositions de l’article R. 713-4 du code de la consommation qui permet aux parties d’exposer leurs moyens par lettre, sans avoir à requérir une dispense de se présenter à l’audience. L’appel en matière de procédure de surendettement des particuliers est instruit selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire (C. pr. civ., art. 931 à 949). À défaut d’obtenir une dispense de comparution dans les conditions de l’article 446-1 du code de procédure civile, les parties sont tenues de comparaître. Or, la banque n’avait demandé aucune autorisation de dispense auprès du juge sur le bon fondement et la cour d’appel a donc valablement rejeté la demande de rapport de la décision de caducité de l’appel formée par la banque (Civ. 3e, 3 mars 2022, n° 20-18.768, Dalloz actualité, 22 mars 2022, obs. G. Payan).

Le contentieux des cautions

Nous savons depuis l’ordonnance du 15 septembre 2021 (n° 2021-1192, v. Réforme du droit des sûretés : saison 2 (partie I) ; Réforme du droit des sûretés : saison 2 (partie II) ; Réforme des sûretés : saison 2 (partie III)) que la mise en garde doit bénéficier à toute caution personne physique, qu’elle soit avertie ou non. Cependant, cette affaire se situait dans le cadre du droit antérieur. La banque avait ici octroyé un prêt sans disposer d’éléments prévisionnels sur la situation de l’emprunteur. Cependant, cela ne dispensait pas la caution non avertie d’établir l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. En outre, compte tenu du patrimoine déclaré à la banque, la cour a constaté que la somme correspondante ne justifiait pas d’une inadaptation aux capacités financières de l’emprunteur. Compte tenu de ces constatations souveraines, la preuve demandée n’était donc pas rapportée (Com. 9 mars 2022, n° 20-16.277, D. 2022. 508 ; Veille permanente 25 mars 2022, note F. Reille).

Lorsqu’un contrat de crédit est résilié et que celui-ci était garanti par une caution qui a exécuté son engagement, la banque ne peut plus demander la condamnation du débiteur à la restitution des sommes versées. Il s’agissait de deux époux qui voulaient acquérir un bien immobilier. Les délais de construction n’ayant pas été respectés, la résolution de la vente avait été obtenue ainsi que celle du prêt. Cependant, entre temps la caution avait réglé à la banque les sommes dues au titre du crédit. La caution ayant été subrogée dans les droits de la banque du fait du paiement réalisé, l’établissement de crédit n’avait plus intérêt à solliciter de l’emprunteur la restitution du capital prêté. C’est désormais l’article 2309 du code civil qui remplace l’article 2306 du code civil qui était ici appliqué (Com. 9 mars 2022, n° 19-19.392, Dalloz actualité, 15 mars 2022, obs. C. Hélaine).

Le maintien des garanties de prévoyance aux anciens salariés licenciés

Deux arrêts récents (Civ. 2e, 10 mars 2022, n° 20-20.898, Veille permanente 6 avr. 2022, note G. Anstett) traitent plusieurs questions épineuses. Il s’agit du maintien de la couverture supplémentaire santé et prévoyance prévue à l’article L. 911-8 du code de la sécurité sociale aux anciens salariés touchés par une liquidation judiciaire de leur employeur.

Le liquidateur demandait le remboursement des sommes versées à l’assureur après avoir maintenu les garanties de prévoyance après résiliation du contrat d’assurance. L’arrêt énonce que le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur ne soit pas résilié. Dans cette affaire, l’institution de prévoyance avait résilié le contrat après l’ouverture de la liquidation judiciaire mais l’assureur avait proposé une prolongation onéreuse du contrat. Le liquidateur avait payé la somme demandée pour maintenir pendant un an les garanties précédemment souscrites, puis il a assigné l’institution de prévoyance pour demander le remboursement de cette somme. Sa demande a été rejetée et la Cour de cassation a approuvé ce rejet.

L’autre question concernait le contrôle par l’administration lors de l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de la mise en œuvre du droit à la portabilité de la prévoyance complémentaire. Dans cette affaire (CAA Nantes, 11 mars 2022 n° 21 NTO 35.23), un redressement judiciaire avait été prononcé puis la cession des actifs avait été ordonnée, 57 licenciements ayant été autorisés. Un PSE avait donc été établi par les administrateurs et une décision d’homologation était intervenue pour fixer le contenu du PSE. 34 salariés avaient demandé l’annulation de cette décision en soulignant la nécessité d’un contrôle administratif sur ce dispositif de portabilité des garanties de prévoyance. La cour administrative d’appel de Nantes a rejeté cette analyse car elle n’est pas prévue par le code du travail mais le Conseil d’État sera sans doute saisi.

Les nullités de la période suspecte

Il a été réaffirmé récemment qu’il n’est pas possible de compenser la dette de restitution consécutive à l’annulation d’une opération contractée en période suspecte et une créance admise au passif du débiteur. Dans cette affaire, il s’agissait d’une créance d’une coopérative provenant de la livraison de semences et d’engrais et, d’autre part, une créance indemnitaire née d’une action en nullité de la période suspecte

La Cour de cassation a rendu une décision de censure en rappelant que les sommes restituées par le créancier au titre des opérations annulées devaient reconstituer l’actif du débiteur et devaient être réparties entre tous les créanciers, la compensation était exclue dans cette hypothèse. Ainsi, la connexité qui avait été retenue par l’arrêt d’appel a été refusée par la Cour de cassation au visa des articles 1347 du code civil, L. 622-7, L. 631-14 alinéa 1er, L. 632-1 et L. 626-25 du code de commerce (Com. 13 avr. 2022, n° 20-22.389, Dalloz actualité, 25 mai 2022, obs. B. Ferrari).

La prise en compte d’une ordonnance de référé

Dans le cadre d’une contestation de créance déclarée, le juge-commissaire ne peut fonder sa décision sur une ordonnance de référé. L’arrêt d’appel avait constaté que cette décision exécutoire n’était remise en cause par aucune décision au fond et elle avait considéré que la créance avait été ainsi valablement admise. La Cour de cassation a rendu une décision de censure car l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée (C. com., art. L. 624-2 et C. pr. civ., art. 488 ; Com. 23 mars 2022, n° 20-22.753).

Le plan de continuation et la prise en compte d’une créance d’intérêts non admise

Il s’agissait d’un pharmacien qui avait obtenu un plan de continuation. Le jugement arrêtant le plan avait déclaré une créance « hors plan » et avait prévu qu’elle serait réglée dans des conditions spécifiques, 60% de la créance étant productive d’intérêt au taux de 2 %, sous condition de bonne exécution du plan au terme de 15 ans. Le créancier impayé avait assigné le débiteur en paiement des sommes dues en conséquence. La cour d’appel avait condamné le débiteur à payer le principal et les intérêts. Le débiteur a fait valoir que les engagements pris dans le cadre du plan ne peuvent l’obliger à payer une créance non admise. Or, la créance des intérêts n’avait pas été admise. Le créancier et le débiteur ne peuvent en effet stipuler un intérêt non prévu par la décision d’admission de la créance au passif. La cour d’appel avait considéré que l’accord entre les parties devait prévaloir et cette décision a été cassée (Com. 18 mai 2022, n° 19-25.796, Dalloz actualité, 9 juin 2022, obs. B. Ferrari).

Les intervenants extérieurs à la procédure collective

Il a souvent été fait grief à des mandataires d’avoir recours d’une manière excessive à des intervenants extérieurs pour effectuer des tâches qui leur incombent. Une circulaire est intervenue récemment sur ce sujet (22 avr. 2022, NOR : JUSC 220 263 5 C). Le ministère de la Justice s’est référé à la directive européenne (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 et à l’ordonnance n° 1193-2021 du 15 septembre 2021.

Les principes du contrôle et la rémunération de ces interventions sont résumés et précisés par cette circulaire. La rémunération doit être proportionnée et transparente, particulièrement en sauvegarde, en redressement et en liquidation judiciaire.

Utilisant le rapport de Monsieur René Ricol sur l’articulation entre le régime de garantie des salaires (AGS) et les administrateurs et mandataires judiciaires dans le cadre des procédures collectives (15 avr. 2021), il est indiqué qu’en sauvegarde et en redressement judiciaire, le débiteur peut faire appel à des intervenants extérieurs de son choix sous réserve de justifier de ses capacités financières pour les frais occasionnés (C. com., art. R. 622-9 et R. 631-20) à la demande du ministère public ou du juge-commissaire.

Il est réaffirmé que les administrateurs et mandataires judiciaires ne peuvent recourir à des tiers pour des taches qui relèvent de leur mission. Ils doivent prendre en charge la rétribution de leurs intervenants (C. com., art. L. 811-1 et L. 812-1). Si les tâches ne relèvent pas de leur mission, une autorisation préalable du juge-commissaire doit être demandée en application des textes existants (v. not., C. com., art. L. 621-9, R. 621-23 et R. 626-40 en sauvegarde).

Le juge-commissaire et le ministère public sont informés de ces missions. Il est considéré (Veille permanente 18 mai 2022, note J.-L. Vallens) qu’il existe ici un risque de dépassement des tarifs fixés par les barèmes applicables. En outre, le ministère de la Justice insiste sur le contrôle du lien de parenté ou de la dépendance entre le mandataire de justice et le débiteur avec ces tiers. La nécessité de ce recours à un tiers doit donc être prouvée. Rappelons à cet égard que le Trésor peut être amené à prendre en charge ces rémunérations sous certaines conditions et notamment l’accord préalable du ministère public (C. com., art. L. 663-1).

La circulaire indique que dans chaque cour d’appel, deux magistrats sont désignés « référents frais de justice » pour communiquer les informations en provenance de l’administration centrale, notamment sur les évolutions tarifaires. Cette circulaire de dix-neuf pages a le mérite de rappeler l’ensemble des textes existants sur la matière et elle peut donc être utile aux praticiens.

Signalons en outre que cette circulaire évoque le cas des rémunérations hors barème, notamment lorsque la rémunération totale de l’administrateur judiciaire dépasse 100 000 € HT (C. com., art. R. 663-13) et plus de 15 000 €/an pour le mandataire judiciaire qui agit pour répartir des dividendes. Nous renvoyons ici pour le détail au texte complet de cette circulaire.

Les effets d’une saisie attribution sur un compte bancaire

Nous savons que, selon l’article L. 162-1 du code des procédures civile d’exécution, en cas de saisie d’un compte bancaire, la banque doit déclarer le solde du compte débiteur au jour de la saisie dans un délai de quinze jours ouvrables. Il est prévu que ce solde peut être affecté à l’avantage ou au préjudice du saisissant par certaines opérations si leur date est antérieure à la saisie : cette liste est limitative. Or, les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte avant la saisie ne figurent pas dans ces opérations limitativement énumérées. Dès lors, ces opérations ne peuvent affecter le solde saisi (Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 20-12.241, D. 2022. 660 ; Rev. prat. rec. 2022. 8, chron. O. Cousin, M. Draillard, A.-I. Gregori, R. Laher et O. Salati ).

La saisie des rémunérations

Une banque avait demandé à saisir les rémunérations de l’emprunteur après avoir prononcé la déchéance du terme de deux prêts et la saisie avait été autorisée. En application de la règle de suspension des poursuites (C. com., art. L. 631-14 et L. 622-17), il a été jugé que l’arrêt de la procédure de saisie des rémunérations devait intervenir à compter du jugement d’ouverture du redressement judiciaire (Civ. 1re, 20 avr. 2022, n° 19-25.162, Dalloz actualité, 17 mai 2022, obs. F. Kieffer).

Les sanctions

Nous avons déjà évoqué dans notre précédente « livraison » (Dalloz actualité, 9 mai 2022, « Actualité du droit des entreprises en difficulté … ») un arrêt intéressant de la Cour de cassation (Com. 13 avr. 2022, n° 21-12.994, Dalloz actualité, 19 mai 2022, obs. B. Ferrari ; Gaz. Pal. 24 mai 2022 p. 24, obs. F. Vessio) concernant le prononcé d’une faillite personnelle pour poursuite abusive d’une activité déficitaire. La Cour de cassation a considéré que la date de cessation des paiements n’avait pas d’incidence sur le grief de la poursuite d’une activité déficitaire et a rejeté le pourvoi qui était formulé. Selon un commentaire (F. Vessio, obs. préc.), la cour d’appel avait constaté « de manière incontestable » la réunion des critères de poursuite abusive de l’exploitation en conscience de l’aggravation du passif et du préjudice causé aux créanciers en lien avec la recherche d’un intérêt personnel du dirigeant, qui s’était abstenu de s’acquitter des charges sociales et fiscales, le dirigeant ayant avantagé une société tierce dont il était l’associé unique et le gérant, en lui donnant la clientèle de la société concernée, ce qui constituait le grief prévu par l’article L. 653-4 du code de commerce. La Cour de cassation a considéré que le grief de la poursuite abusive dans un intérêt personnel d’une exploitation déficitaire qui ne peut conduire qu’à la cessation des paiements, était constitué même si la cessation des paiements était déjà survenue. Cependant, il semble que la rédaction de l’article L. 653-4, 4°, du code de commerce suppose que la cessation des paiements soit nécessairement postérieure à la poursuite abusive, dès lors que l’exploitation déficitaire « ne peut conduire qu’à la cessation des paiements ». En réalité, le terme important est celui « d’abusif » car la poursuite d’activité déficitaire n’est pas, en soi, punissable, dès lors qu’elle est financée, passagère et qu’elle peut déboucher sur la reprise d’une exploitation bénéficiaire, notamment après des mesures de restructuration efficaces. Le caractère abusif suppose plutôt que le dirigeant n’ait pas pris en temps utile les mesures nécessaires et adaptées pour faire cesser cette exploitation déficitaire, ce qui suppose un examen au cas par cas. Le critère de la réactivité du dirigeant est donc en réalité essentiel. Ceci gagnerait sans doute à être précisé plus clairement.

Un second arrêt du 13 avril 2022 (Crim. 13 avr. 2022, n° 19-84.831, Dalloz actualité, 30 mai 2022, obs. M. Recotillet ; D. 2022. 793 ; AJ pénal 2022. 269 et les obs. ) a statué sur la question du recel de banqueroute, ce grief ne pouvant être cumulé avec l’infraction de banqueroute. Il était reproché au dirigeant d’avoir financé d’autres sociétés qu’il contrôlait, volontairement, sans respecter les procédures sociales et comptables nécessaires et en poursuivant ces dépenses après la date de cessation des paiements, ce qui caractérisait des détournements d’actif constitutifs de banqueroute. Il était soutenu que nul ne peut être condamné pour recel du produit des infractions qu’il a commises. Un arrêt de cassation a donc été rendu, le recel ne pouvant être constitué si son auteur est également condamné à titre principal.

L’insaisissabilité de la résidence principale

Une décision récente (Com. 18 mai 2022, n° 20-22.768, Dalloz actualité, 1er juin 2022, obs. B. Ferrari) a statué sur les effets redoutables d’une procédure de divorce. Un liquidateur demandait à être autorisé à mettre en vente la résidence principale des époux. Or, pendant la procédure de divorce, l’épouse avait obtenu la jouissance de la résidence principale et l’autre époux avait été contraint de la quitter. Depuis l’ordonnance de non-conciliation, cet époux (le « débiteur ») n’y avait donc plus sa résidence principale. Au visa des articles L. 526-1 du code de commerce et 255, 3° et 4°, du code civil, la Cour de cassation a considéré que les droits que détenait l’époux sur ce bien n’étaient plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de son activité professionnelle. L’arrêt de la cour d’appel avait estimé que le bien était insaisissable et un arrêt de cassation a donc été rendu. Il faut donc se méfier des conséquences d’une procédure de divorce qui peuvent annuler les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale.